Rencontre avec Sarah Debecker
une juriste qui allie précision et créativité
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Sarah Debecker et je suis juriste et criminologue. J’aime sortir des sentiers battus en combinant des mondes différents, et aussi en alliant la créativité et la précision.
Au cours de mes études, je me suis spécialisée en droit de la famille et en droit pénal car ce sont littéralement des « droits quotidiens », c’est à dire des droits de tous les jours, très concrets et qui ont un réel impact sur la vie des personnes concernées.
« En Nouvelle Zélande, le langage clair est beaucoup plus présent dans le ton de la communication officielle et on ressent une réelle volonté de « créer un lien de confiance avec les citoyens. »
Après mes études, j’ai commencé à travailler dans le secteur social, je donnais des avis juridiques aux personnes fragilisées, et également aux détenus dans les prisons et c’est vraiment là où j’ai senti le besoin de traduction de documents juridiques. J’ai réalisé que beaucoup de personnes ne comprenaient pas les documents juridiques et j’ai compris les émotions et les frustrations que cette incompréhension pouvait engendrer
Je suis convaincue du besoin d’un langage clair, moderne et accessible à tous. Quand je travaillais dans une organisation sociale, je recevais souvent la question suivante des personnes qui venaient en consultation : « pourquoi on ne peut pas l’écrire comme tu l’expliques ? ». Et aujourd’hui encore, c’est une vraie question…
Quelles sont tes missions chez Droits Quotidiens Legal Design ?
Cela fait six ans que je travaille chez Droits Quotidiens. Aujourd’hui, je donne des formations, je fais du coaching et je réécris des contenus juridiques en langage clair et en legal design.
J’aime aussi travailler sur des projets bilingues notamment avec ma collègue Florence. Je sens une réelle plus-value apportée par notre travail. Un argument que l’on entend souvent au début des projets est la crainte des clients de perdre en précision juridique et de ne pas pouvoir traduire exactement la même chose dans une deuxième langue.
Les clients se rendent compte avec nous que c’est possible. Faire travailler ensemble une équipe bilingue, créer une communication vers les citoyens dans les deux langues (français et néerlandais), et démontrer qu’il est possible d’avoir et la même précision juridique et le même niveau de clarté dans les deux langues est très satisfaisant.
« Le langage clair et le legal design sont des démarches itératives. Plus on les pratique, plus on s’améliore.«
Qu’apprécies-tu chez Droits Quotidiens Legal Design?
Ce que j’aime particulièrement chez Droits Quotidiens Legal Design c’est la créativité permise par l’organisation ; il y a toujours la possibilité de se développer, d’essayer de nouvelles choses, tout en respectant une réelle rigueur juridique. C’est cette combinaison de défis d’un côté et de qualité et d‘exigence juridique de l’autre qui me plait particulièrement.
Comme disait Didier Ketels, notre ancien CEO, « Droits Quotidiens, ce sont des juristes sérieux qui ne se prennent pas au sérieux ». Cet élément est toujours bien présent et fait partie de l’ADN de Droits Quotidiens.
Comment t’es-tu formée au langage clair et au legal design ?
Quand je travaillais au sein d’une organisation sociale, je formais mes collègues assistantes sociales qui n’avaient pas de formation en droit et pour qui certains termes ou concepts juridiques étaient difficilement compréhensibles. J’utilisais des visuels, j’évitais le jargon, je cherchais un lien avec leur quotidien pour rendre mes propos compréhensibles. J’aimais particulièrement faire la traduction de concepts juridiques vers leur vie quotidienne. Je voulais non seulement leur expliquer clairement le droit mais aussi le rendre intéressant à leurs yeux.
J’apprends aussi par le feedback de mes pairs et grâce au travail multidisciplinaire : par exemple, sur certains projets, des réunions avec des développeurs m’ont permis d’apprendre beaucoup sur l’accessibilité d’un site, et d’enrichir ainsi ma pratique du legal design.
Le langage clair et le legal design sont des démarches itératives. Plus on les pratique, plus on s’améliore. Je vois personnellement tout le chemin parcouru et les progrès réalisés quand je regarde mes toutes premières productions en legal design et mes productions actuelles.
Quel conseil donnerais-tu à une personne qui souhaite se lancer dans le legal design et qui ne sait pas par où commencer ?
Mon premier conseil est de créer un dialogue avec votre client. On ne réalise pas assez à quel point le langage clair est basé sur l’empathie. Allez chercher comment traduire les concepts juridiques vers le quotidien de votre client : Qu’est ce qui est important pour votre client ? Qu’est ce qui l’occupe ? Comment pouvez-vous rendre cette information juridique pertinente pour lui ?
N’hésitez pas à tester vos documents sur votre entourage, vos parents, vos amis, vos collègues, des personnes qui n’ont pas fait étudier le droit et qui sont souvent déstabilisés par les documents ou courriers juridiques qu’ils reçoivent.
Qu’apportent tes voyages à l’étranger à ta vision du langage clair et du legal design ?
J’ai décidé de partir une année en Nouvelle Zélande, en Australie puis Canada car je voulais pouvoir appréhender la pratique du langage clair des pays anglophones notamment dans sa dimension bilingue pour le Canada.
En Nouvelle Zélande, le langage clair est beaucoup plus présent dans le ton de la communication officielle et on ressent une réelle volonté de « créer un lien de confiance avec les citoyens ». Ils ont d’ailleurs adopté en octobre 2022 un projet de loi qui oblige le gouvernement et les administrations à utiliser un langage simple et compréhensible quand ils s’adressent aux citoyens.
Pendant mon séjour en Nouvelle Zélande, j’ai eu la chance d’être invitée par Lynda Harris, CEO de Write. Write est un acteur de référence en langage clair, il organise les New Zealand’s plain language awards et a joué un rôle moteur dans l’adoption du projet de loi mentionné. Lynda est aussi membre actif de la communauté internationale du langage clair, et membre de l’association Clarity International. C’est très inspirant pour moi ! Write était intéressé de savoir comment Droits Quotidiens pratique le langage clair en Belgique avec 3 langues officielles.
Lydia Zunino, Consultant Droits Quotidiens Legal Design